Muscadet : 110 viticulteurs arrachent leurs vignes, un paysage en mutation

By Erwan

Le vignoble du muscadet, fierté du pays nantais, traverse une crise d’une ampleur inédite. En 2025, 110 viticulteurs ont demandé l’arrachage définitif de leurs vignes, représentant 580 hectares condamnés à disparaître. Cette vague de renoncements marque un tournant historique pour l’appellation, fragilisée par des conditions climatiques extrêmes, des maladies de la vigne et une baisse continue de la consommation. Ce sont non seulement des exploitations qui ferment, mais un pan entier du patrimoine viticole ligérien qui vacille.

À retenir :

  • 110 viticulteurs demandent l’arrachage de 580 hectares en 2025
  • La récolte 2024 du muscadet a chuté de 45 %
  • Le phénomène de filage a décimé les vignes
  • Une crise climatique et économique sans précédent
  • Vers une reconversion des terres et des pratiques

« On se demande ce qu’on a raté dans ce millésime inédit en 45 ans. »
Jo

2024 : une année noire pour les vignerons du muscadet

Selon la Fédération des vins de Nantes, la récolte 2024 a été la plus faible jamais enregistrée, même plus basse que celle de 2021, pourtant marquée par un gel printanier. La production est passée de 275 000 hectolitres en 2023 à 150 000 hectolitres en 2024, sur environ 6 000 hectares de vignes.

Plusieurs causes expliquent cette catastrophe :

  • 1 000 mm de pluie entre octobre 2023 et août 2024
  • Des températures printanières anormalement basses
  • Une asphyxie des racines liée à l’engorgement hydrique
  • Un phénomène de filage inédit par son ampleur
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Selon Réussir Vigne, le filage est un processus où les inflorescences se dessèchent avant floraison, poussant la vigne à renoncer à produire du fruit. Ce phénomène a affecté jusqu’à 80 % des ceps dans certains domaines.

Un coup d’arrêt pour des générations d’héritage

Thierry Beauquin, vigneron depuis quatre générations, a décidé d’arracher ses huit hectares :

« J’ai gelé sept fois en dix ans. L’an dernier, j’ai produit dix hectolitres. Ce n’est plus vivable. »
(Témoignage)

Comme lui, selon FranceAgriMer, plus de 5 400 viticulteurs français ont demandé une aide à l’arrachage définitif. Ce sont 27 500 hectares de vignes qui pourraient être détruits à l’échelle nationale. Le muscadet, avec ses 580 hectares concernés, figure parmi les appellations les plus touchées.

Un territoire paysager bouleversé

En Loire-Atlantique, près de la moitié des vignes de muscadet ont disparu en 20 ans, soit 8 000 hectares arrachés. Le paysage autrefois modelé par des ceps alignés se transforme en mosaïque de friches agricoles, estimées à environ 1 000 hectares.

Selon un rapport de la chambre d’agriculture, ces friches deviennent improductives au bout de trois ans. Ce phénomène de mitage du territoire inquiète élus locaux et agronomes. Thierry Beauquin, également conseiller municipal, souligne :

« Ces terres doivent retrouver une fonction, qu’elle soit agricole, forestière ou nouvelle. »

De la crise à la transition : quelles voies de reconversion ?

Face à cette mutation, plusieurs réponses émergent. L’association Terres en Vie, à Monnières, a mis en place un modèle coopératif innovant sous la forme d’une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). Elle accompagne techniquement, juridiquement et financièrement les propriétaires et les repreneurs de ces terres.

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Deux exemples illustrent ce renouveau :

  • Antonin Bedouet, vigneron bio, a concentré son domaine sur de petites surfaces de qualité :
    « Faire mieux avec moins. Moins de surface, mais un rendement correct, une vraie qualité. »
  • Vincent Barbier et Cécile Perraud expérimentent l’agroforesterie : sur 11 hectares de friches, ils ont réimplanté un vignoble en conservant les arbres naturels. Un exemple d’adaptation inspirant.

Tableau – Évolution du vignoble muscadet depuis les années 1980

AnnéeSurface plantée (ha)Nombre de vigneronsRendement moyen (hl/ha)Tendances
198516 000+1 20060-70Croissance
199114 0001 000Gel massifDéclin amorcé
200510 00070050-60Stagnation
20236 50040045Tension
2025 (prévision)5 90029025-30Crise grave

« Il faut sauver les vignes ou sauver la terre. Aujourd’hui, la priorité est de la remettre en vie. »
Vincent Barbier (Retour d’expérience)

« Quand on n’arrive plus à transmettre son domaine à ses enfants, c’est tout un modèle qui s’effondre. »
Carmen, Chambre d’agriculture (Retour d’expérience)

Muscadet : reflet des défis agricoles français

La crise du muscadet dépasse le cadre régional. Elle révèle la vulnérabilité des modèles agricoles spécialisés, soumis à des aléas climatiques extrêmes et à une pression économique grandissante. Le paradoxe est cruel : alors que le muscadet connaît une reconnaissance qualitative croissante à l’international, la réalité économique pousse des vignerons à jeter l’éponge.

Ce choc climatique et social pourrait pourtant préfigurer un nouvel avenir pour le territoire : agriculture diversifiée, agroforesterie, installation de jeunes agriculteurs, circuits courts… À condition que les acteurs publics et privés coordonnent leurs efforts et que les consommateurs soutiennent ces transitions.

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Et vous, comment percevez-vous cette transformation radicale du vignoble du muscadet ?
Avez-vous connu ou observé des mutations similaires dans d’autres terroirs ?
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