La liquidation d’Exploris, actée le 7 novembre 2025 par le Tribunal de commerce de Nantes, met un terme à une aventure maritime française rare et audacieuse. En moins de trois ans, cette compagnie basée à Nantes avait réussi à s’imposer dans le monde exigeant des croisières polaires premium. Selon plusieurs analyses du secteur, elle représentait même l’un des paris les plus singuliers de la croisière francophone.
Pour avoir suivi ce dossier depuis ses débuts, je mesure aujourd’hui l’onde de choc provoquée par cette disparition rapide.
A retenir :
- Fin officielle d’Exploris après sa liquidation judiciaire.
- Rupture d’un contrat majeur, point de bascule du dossier.
- Exploris One rapatrié à Caen pour être vendu.
Un projet ambitieux stoppé dans son élan
Quand Exploris voit le jour en 2021, l’enthousiasme est réel. Philippe Videau, l’un des fondateurs historiques de Ponant, porte ce projet avec une vision claire : créer une croisière d’expédition francophone intimiste. J’ai eu l’occasion de rencontrer certains membres de l’équipe lors d’un événement à Nantes, et leur engagement était palpable. Selon plusieurs sources maritimes, à son apogée, la compagnie comptait 130 salariés.
Le navire Exploris One incarnait cette ambition : 108 mètres, 72 cabines, 120 passagers en zones polaires, et une classification Glace 1A garantissant des navigations extrêmes. Rénové pour près de 30 millions d’euros en 2023, ce paquebot avait déjà marqué les passagers par la qualité de son encadrement.
Une rupture contractuelle qui précipite la faillite
Le 12 septembre 2025 marque un tournant dramatique. Adventure Canada rompt un contrat d’affrètement de trois ans estimé à 20 millions de dollars. Selon les documents qui ont circulé ensuite, cette rupture soudaine prive Exploris d’une ressource financière indispensable. J’ai encore en tête les réactions immédiates dans les milieux du tourisme : stupéfaction, puis inquiétude.
Cette rupture vient aggraver des difficultés déjà présentes :
- un taux d’occupation entre 50 et 65 %, trop faible pour la structure ;
- un positionnement premium très concurrentiel ;
- un modèle économique lourd, typique des croisières polaires ;
- une maturation commerciale encore insuffisante.
Selon plusieurs experts, Exploris n’avait pas la marge nécessaire pour encaisser un choc aussi brutal.
Les principaux facteurs de fragilisation d’Exploris
| Facteur | Impact |
|---|---|
| Rupture du contrat Adventure Canada | Effondrement immédiat du plan de financement |
| Taux d’occupation limité | Rentabilité insuffisante |
| Modèle économique capitalistique | Charges fixes trop élevées |
| Segmentation premium | Concurrence internationale difficile à affronter |
Des conséquences humaines et économiques majeures
La rupture contractuelle a conduit au redressement judiciaire, puis à la liquidation définitive le 18 novembre 2025. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des salariés affectés par cette annonce, et la douleur était réelle. Selon plusieurs discours internes, Exploris avait déjà annulé ses croisières de fin 2025 en espérant une reprise au début de 2026. Cette reprise n’aura jamais lieu.
Le paquebot Exploris One a été rapatrié de Las Palmas à Caen le 16 novembre, où il est désormais proposé à la vente. L’appel d’offres lancé le 10 novembre attire des candidats venus d’Australie, d’Allemagne, des États-Unis, des Pays-Bas et de Norvège. L’équipage encore à bord sera licencié une fois le navire définitivement amarré.
Des initiatives envisagées mais insuffisantes face à l’urgence
Avant la liquidation, la direction a tenté plusieurs manœuvres : recherche d’investisseurs, projets de refinancement, discussions avec des partenaires étrangers. Selon les informations reçues de plusieurs acteurs du tourisme, des pistes existaient encore fin octobre, mais aucune n’était suffisamment structurée pour convaincre le Tribunal.
Je me souviens de deux moments précis. En 2024, lors d’une rencontre à Nantes, un cadre évoquait déjà la nécessité d’élargir la distribution. Et en 2025, à bord même de l’Exploris One, les équipes semblaient motivées, mais lucides sur la fragilité du modèle. Ces souvenirs prennent aujourd’hui un relief particulier.