Un cordiste de 53 ans a perdu la vie après une chute d’environ vingt mètres, lundi 8 décembre 2025, près du Zénith de Nantes, à Saint-Herblain. Il intervenait pour un nettoyage de vitres en hauteur quand son dispositif de sécurité n’a pas suffi à le sauver. Ce drame relance la question des morts au travail.
A retenir :
- Un cordiste de 53 ans meurt après une chute d’environ 20 mètres.
- L’accident survient lors d’un nettoyage de vitres au niveau du Zénith.
- La sécurité des travaux sur cordes et les morts au travail sont de nouveau pointées.
Un accident au Zénith qui met à nu la chaîne de sécurité
La scène se déroule en pleine après-midi, dans la zone d’Ar Mor, près du Zénith de Nantes. Le cordiste travaille en façade, harnaché, suspendu au-dessus du boulevard Marcel-Paul. Quelques secondes suffisent pour transformer un chantier banal en drame absolu.
L’homme est équipé d’un harnais et d’une corde, comme l’exige ce type d’intervention. Pourtant, il chute d’une vingtaine de mètres et s’écrase au sol. Les secours interviennent rapidement, mais le cordiste est déclaré mort sur place. Pour les témoins, la violence est d’autant plus forte que ce type de travail se fait d’ordinaire dans un silence presque invisible.
Une enquête est ouverte pour déterminer les causes exactes de l’accident. Les questions sont lourdes : défaut de matériel, erreur d’ancrage, geste mal effectué, problème d’organisation, ou combinaison de tout cela. Selon les premiers éléments disponibles, l’homme travaillait dans un cadre qui devait, en théorie, être sécurisé.
« Un accident de ce type n’est jamais une simple fatalité, il révèle presque toujours une chaîne de décisions et de renoncements en matière de sécurité. »
C’est ce que l’on retrouve très souvent dans les dossiers d’accidents mortels en hauteur : derrière l’événement brutal, une succession de petits compromis qui finissent par coûter une vie.
La profession de cordiste, un métier indispensable mais sous haute tension
Les cordistes font partie du paysage urbain contemporain. Ils interviennent sur les façades de bureaux, les ponts, les stades, les immeubles, les silos, les ouvrages d’art, les salles de spectacle comme le Zénith. Leur travail permet de se passer d’échafaudages lourds, d’intervenir plus vite, avec moins de matériel, dans des zones difficiles d’accès.
Selon l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires, la profession compte plusieurs milliers de travailleurs en France, répartis entre BTP, industrie, nettoyage, événementiel et maintenance urbaine. Pourtant, elle n’a pas de catégorie statistique pleinement dédiée, ce qui rend le suivi des accidents particulièrement délicat.
Selon cette même association, au moins plusieurs dizaines de cordistes seraient morts au travail depuis le milieu des années 2000. Le nombre exact reste difficile à établir, en l’absence de recensement officiel détaillé. Cette situation entretient un angle mort inquiétant : on sait que le métier est dangereux, mais on mesure mal, de manière globale, l’étendue de ce danger.
Selon plusieurs analyses militantes et syndicales, le taux de mortalité au travail des cordistes serait largement supérieur à la moyenne des autres salariés. La profession cumule en effet les facteurs à risque : travail en hauteur, météo parfois changeante, sous-traitance, recours fréquent à l’intérim, chantiers courts mais nombreux, et pression sur les délais.
À cela s’ajoute la fatigue physique et mentale. De nombreux cordistes témoignent de journées où s’enchaînent plusieurs interventions, parfois avec des temps de préparation réduits, alors que la moindre erreur de montage ou de contrôle peut être fatale.
Impacts humains, sociaux et territoriaux d’une mort au travail
Une mort au travail ne se résume jamais à un chiffre dans une colonne de statistiques. À Saint-Herblain, c’est un homme de 53 ans qui disparaît, avec sa famille, ses collègues, ses projets. Dans les entreprises, un accident mortel laisse aussi une fracture durable : peur, colère, culpabilité, sentiment d’injustice.
À l’échelle nationale, les morts au travail restent nombreuses chaque année. Des syndicats, associations et collectifs rappellent régulièrement que la France compte encore plusieurs centaines de décès professionnels par an, toutes causes confondues. Ils dénoncent un “angle mort” de la politique publique, où la prévention est souvent sacrifiée sur l’autel des coûts et des délais.
Pour un territoire comme la métropole nantaise, ce type d’accident près d’un équipement emblématique, comme le Zénith de Nantes, rend brutalement visible ce qui reste souvent confiné aux pages “faits divers”. On réalise soudain que ces silhouettes suspendues aux façades portent une responsabilité immense, avec des marges d’erreur quasi nulles.
Ce que montrent d’autres accidents de cordistes
Dans d’autres drames déjà jugés, les enquêtes mettent souvent en lumière trois ingrédients récurrents. D’abord, la sous-traitance en cascade, qui éloigne le donneur d’ordre de la réalité du terrain. Ensuite, la pression économique, avec des tarifs tirés vers le bas et des délais difficiles à tenir. Enfin, une culture d’entreprise où la sécurité est parfois pensée comme un coût, plutôt qu’un socle non négociable.
Ce schéma ne signifie pas que toutes les entreprises agissent de la même manière. Mais il montre à quel point un même type d’accident peut être le symptôme d’une organisation du travail fragilisée, où la prévention repose trop souvent sur la vigilance individuelle plutôt que sur des systèmes robustes.
La charge psychologique sur les équipes
Pour les collègues, un accident mortel laisse des traces profondes. Beaucoup décrivent la difficulté de remonter sur corde après avoir vu ou appris la chute d’un camarade. Certains quittent définitivement le métier, incapables de retrouver un sentiment minimal de sécurité.
Dans des témoignages recueillis par des collectifs de proches de victimes, on retrouve la même phrase : “On se demande si on aurait pu voir quelque chose, dire quelque chose, refuser quelque chose.” Cette question hante souvent les survivants, surtout quand l’enquête s’éternise ou que la communication officielle minimise le caractère systémique du drame.
Un proche de victime résumait ainsi son ressenti lors d’un rassemblement en mémoire des morts au travail :
« On nous parle de fatalité, mais sur ces chantiers, la fatalité a parfois des logos d’entreprise. »
Ce type de témoignage, même s’il ne concerne pas directement Saint-Herblain, résonne fortement avec ce qui s’est passé près du Zénith.
Pistes pour que ce drame ne soit pas “un de plus”
La question n’est pas seulement de savoir ce qui a pu dysfonctionner, sur ce chantier précis, mais ce qui peut être changé, partout, pour que ce type d’accident devienne réellement exceptionnel.
Mieux encadrer techniquement les interventions en hauteur
Les travaux sur cordes sont déjà encadrés par des obligations réglementaires, des formations spécifiques et des normes de matériel. Le problème vient souvent du décalage entre les procédures théoriques et les réalités du chantier.
Parmi les leviers concrets régulièrement avancés par les professionnels de terrain, on retrouve la redondance systématique des points d’ancrage, l’obligation d’un contrôle croisé du montage par un collègue, la limitation stricte des chantiers par météo dégradée, et une traçabilité plus rigoureuse des vérifications effectuées.
Un tableau permet de visualiser quelques pistes d’action structurantes.
| Piste d’action | Niveau d’intervention | Effet attendu |
|---|---|---|
| Redondance systématique des ancrages | Entreprise / chantier | Réduire le risque de chute en cas de rupture |
| Contrôle croisé du montage par un collègue | Équipe de cordistes | Limiter les erreurs individuelles |
| Limitation des chantiers en météo dégradée | Employeur / donneur d’ordre | Éviter les expositions inutiles au vent, à la pluie |
| Traçabilité numérique des vérifications | Entreprise / inspection | Faciliter audits et enquêtes a posteriori |
Ces outils ne sont efficaces que s’ils ne deviennent pas de simples cases à cocher. Ils demandent du temps, de la formation, une vraie culture de la sécurité portée par la direction, et non laissée aux seuls salariés.
Renforcer les droits d’alerte et de retrait
Une prévention crédible suppose que les travailleurs puissent exercer librement leur droit d’alerte et de retrait, en cas de doute sur une installation, une corde, un ancrage ou la météo. C’est particulièrement crucial dans une profession où l’on compte beaucoup d’intérimaires, parfois jeunes, qui se sentent moins légitimes pour dire non.
Des collectifs rappellent que sans protection forte contre les représailles, le droit de retrait reste théorique. Les cordistes doivent pouvoir arrêter un chantier s’ils jugent la situation dangereuse, sans craindre pour leur poste, leur mission ou leur réputation professionnelle.
Vers un meilleur recensement des accidents de cordistes
Enfin, une leçon forte revient systématiquement : tant que les accidents ne seront pas recensés de manière précise et transparente, il sera difficile de mesurer les progrès ou les échecs en matière de prévention. La profession réclame un suivi statistique dédié, avec un code clairement identifié pour les travaux sur cordes.
Un tel recensement permettrait d’ajuster les formations, de cibler les secteurs les plus à risque, d’identifier les pratiques les plus sécurisantes, mais aussi d’éviter que certains drames ne disparaissent silencieusement dans les statistiques générales du BTP.
Dans ce contexte, le drame de Saint-Herblain ne devrait pas être vu comme un “fait divers local”, mais comme une alerte nationale sur la sécurité de ces métiers en hauteur.
En tant que lecteur, habitant de la métropole nantaise ou d’ailleurs, vous avez peut-être déjà croisé des cordistes accrochés aux façades d’un immeuble ou du Zénith. Comment percevez-vous les risques qu’on leur fait prendre ? Faut-il aller plus loin dans la protection et la transparence sur ces métiers ? Partagez votre avis, vos questions ou vos expériences personnelles en commentaire : ce débat mérite d’être largement ouvert.