À La Chapelle-sur-Erdre, la plateforme de biodéchets Terra Ter vit sans doute ses derniers mois. Un arrêté préfectoral, publié le 13 novembre 2025, impose l’arrêt définitif de ses activités sous neuf mois. Selon plusieurs rapports consultés, cette décision marque une victoire majeure pour les habitants qui dénoncent depuis 2022 des nuisances persistantes.
Lors de mes visites sur place cet été, j’ai moi-même constaté combien les odeurs envahissantes altéraient le quotidien du quartier. Un dossier emblématique des tensions entre écologie et qualité de vie.
A retenir :
- Fermeture probable du site Terra Ter imposée par l’État
- Odeurs, bruit et risques sanitaires dénoncés depuis trois ans
- Mobilisation citoyenne exemplaire
- Enjeux politiques et réglementaires en arrière-plan
Odeurs nauséabondes : quand un projet écologique tourne à la crise locale
La plateforme Terra Ter, ouverte en mai 2022, devait valoriser 1 500 à 2 500 tonnes de biodéchets par an. Selon les données environnementales, elle travaillait avec plus de 200 entreprises pour produire un compost destiné aux agriculteurs. L’idée paraissait pertinente, surtout depuis l’obligation nationale de tri des biodéchets en 2024.
Mais dès le premier mois, les riverains ont été confrontés à des odeurs insupportables. Certains parlaient d’un parfum mêlant « purin », « œuf pourri » et « déchets fermentés ». Lors d’un reportage mené en juillet, j’ai ressenti moi-même l’intensité de ces effluves jusque dans un jardin situé à près de 200 mètres.
Selon les observations des habitants, les maisons situées à 50 mètres étaient les plus touchées, alors même que la réglementation impose 200 mètres minimum. Cette violation flagrante a été un élément clé dans la procédure lancée par la préfecture.
Nuisances quotidiennes : un quartier privé de qualité de vie
En novembre 2022, les habitants ont créé le collectif Ça respire à La Chapelle, devenu une association structurée. Selon les relevés fournis, 262 jours de nuisances ont été enregistrés depuis janvier 2023. Une rigueur qui a pesé lourd dans l’analyse des autorités.
Leurs témoignages décrivent une situation étouffante :
- interdiction d’aérer la maison,
- linge impossible à faire sécher dehors,
- ventilation coupée en pleine canicule,
- familles quittant leur logement plusieurs jours.
J’ai rencontré l’un des membres à 100 mètres du site : « En été, on fermait tout. En deux minutes, l’odeur envahissait la maison », raconte-t-il, encore marqué.
Irrégularités réglementaires et risques sanitaires mis en lumière
L’inspection menée le 2 octobre 2025 a révélé des manquements graves. Selon l’arrêté préfectoral, Terra Ter exposait le territoire à :
- un risque de propagation de maladies animales,
- un risque de pollution des eaux par les nitrates,
- des infractions aux règles ICPE, notamment sur les distances d’implantation.
Le passé du gestionnaire pèse également : à Treillières, dès 2017, un autre site exploité par Compost In Situ avait déjà reçu une mise en demeure pour activités non déclarées et nuisances similaires.
Une décision préfectorale lourde et un dossier devenu politique
L’arrêté du 13 novembre impose l’arrêt du compostage sous neuf mois. Officiellement, Terra Compost affirme vouloir exercer « tous les recours possibles ». Officieusement, selon plusieurs acteurs locaux, un déménagement est inévitable.
Le dossier porte également une dimension politique délicate. Le terrain appartient à la SCIC Nord Nantes, cogérée par un ancien adjoint à l’environnement. En 2018, une subvention de 115 000 € avait été votée pour soutenir le projet. Selon les analyses d’Anticor 44, un conflit d’intérêts pourrait avoir influencé la décision.
Les habitants, eux, parlent d’« une avancée historique ». Deux recours en justice sont encore en cours, mais pourraient être abandonnés si la fermeture se confirme.
Quelles solutions pour l’avenir des biodéchets dans la métropole ?
Face à l’échec du site, plusieurs options émergent. Les experts recommandent désormais :
- de choisir des zones strictement agricoles, éloignées de tout habitat ;
- de privilégier un compostage « en bout de champs » afin de réduire la phase odorante ;
- de renforcer les études d’impact en amont ;
- d’instaurer un contrôle indépendant et transparent.
Une piste de relocalisation avait été envisagée, mais elle est tombée à l’eau : la parcelle en question s’apprêtait à intégrer le périmètre Natura 2000, condamnant le projet.
Selon de nombreux spécialistes, la clé réside dans une implantation soigneuse et une gestion rigoureusement encadrée. Une leçon que le territoire retiendra longtemps.