Pourquoi les économies prospèrent quand les citoyens comprennent leur argent

By Erwan

Pourquoi certaines nations prospèrent davantage que d’autres ? Pourquoi d’autres sont plus résilientes ? Voilà des questions que les économistes creusent depuis bien longtemps déjà. Leurs réponses s’accordent au moins sur un facteur, au-delà des ressources naturelles et des institutions : le niveau d’éducation financière des citoyens. Il est vrai que le lien le plus évident entre éducation financière et prospérité économique réside dans la gestion de l’épargne.

En clair, et pour schématiser : une épargne maîtrisée, mieux orientée, un endettement raisonnable, une confiance stable et si possible un entrepreneuriat dynamique. Cela mérite évidemment quelques éclaircissements concrets.

La transformation des comportements d’épargne

La culture de l’épargne

L’épargne des ménages constitue à coup sûr le premier domaine où l’éducation financière produit ses effets. Par culture de l’épargne, on entend le niveau de compréhension de concepts comme la règle des 72 (temps nécessaire pour doubler un capital selon le taux d’intérêt).

Intuitivement ou non, les citoyens saisissent pourquoi commencer à épargner à 25 ans plutôt qu’à 35 ans peut doubler leur capital retraite grâce aux intérêts composés.

La qualité des placements

Au-delà du volume, la qualité de l’épargne compte également pour beaucoup. Plus la culture de l’épargne est forte, plus les épargnants ont tendance à diversifier leurs placements. En France par exemple, pays de la thésaurisation par excellence, nous avons :

  • Le PEA (Plan d’Épargne en Actions) pour bénéficier d’avantages fiscaux,
  • Des livrets liquides pour l’épargne de précaution et le “bas de laine”,
  • L’assurance-vie et le compte-titres pour une épargne longue sur les marchés financiers.
A lire également :  Historique voiture avec Histo Vec

Mais le nouvel eldorado des placements est la cryptomonnaie : 11% des Français en détiennent. Si certains se limitent au Bitcoin, d’autres préfèrent explorer telle ou telle crypto prometteuse pour trouver justement le “prochain Bitcoin” et faire x100, voire x1000, sur leur placement de la première heure.

Épargne ou consommation ?

Ce qu’il faut noter, c’est que le taux d’épargne des ménages (part du revenu disponible mise de côté) varie assez fortement selon les pays. Ici, les pays les plus riches ne sont pas forcément ceux où la culture de l’épargne est la plus forte :

  • 5 à 9% au Japon
  • 11 à 20% en Allemagne selon les périodes
  • 17 à 18% en France
  • Seulement 4 à 5% États-Unis !

Il est clair que cette disparité s’explique largement par les différences liées à la “culture de l’épargne” de chaque nation.

L’impact décisif sur l’endettement des ménages

Le ratio d’endettement des ménages

L’endettement représente l’autre face de l’équation financière. Le ratio d’endettement des ménages (dette totale divisée par le revenu disponible annuel) révèle des écarts saisissants :

  • 250% au Danemark
  • 100% en France
  • 65% en Italie

Paradoxalement, les pays les plus endettés ne sont pas forcément les plus fragiles – tout dépend de la qualité de cet endettement.

Endettement long terme ou crédit à la consommation ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’éducation financière transforme la nature même de l’endettement. Les Danois ont tendance à s’endetter massivement… mais assez intelligemment : prêts immobiliers à taux fixes sur 30 ans, remboursables avec 30% de leurs revenus.

Ils comprennent l’effet de levier (utiliser l’emprunt pour amplifier ses gains) et l’utilisent pour acquérir des actifs productifs plutôt que financer de la consommation.

A lire également :  Rendements en berne ? les alternatives au Fonds euros

À l’inverse, dans les pays où l’éducation financière reste faible, l’endettement finance souvent des dépenses courantes via des crédits revolving (crédits renouvelables à taux élevés). Le taux d’usure (taux maximum légal pour un prêt) y est régulièrement atteint, signe d’une population vulnérable aux prédateurs financiers.

Le renforcement de la confiance et de la stabilité économique

L’indice de confiance

La confiance économique, mesurée par l’indice de confiance des consommateurs (enquête mensuelle sur les perspectives économiques perçues), fluctue moins dans les pays où l’éducation financière est répandue. Les citoyens éduqués comprennent les cycles économiques et ne surréagissent pas aux turbulences temporaires.

Cette stabilité comportementale agit comme un amortisseur économique. Lors de la crise de 2008, les pays scandinaves ont maintenu des indices de confiance relativement stables (baisse de 20 points) tandis que l’Espagne et la Grèce voyaient les leurs s’effondrer (chute de 60 points). Les citoyens éduqués savaient que les récessions sont cycliques et ont maintenu leur consommation de base.

La bancarisation et la thésaurisation

L’impact se mesure aussi par le taux de bancarisation (pourcentage de la population disposant d’un compte bancaire) et surtout le taux d’utilisation des services financiers. En Suède, 95% des citoyens utilisent activement des produits d’épargne diversifiés. En Roumanie, ce taux tombe à 35%, avec une population qui préfère thésauriser (stocker des liquidités) plutôt qu’investir.

Le coefficient de Gini financier (mesure des inégalités de patrimoine) révèle un autre bénéfice : l’éducation financière réduit les inégalités. Les pays où cette éducation est démocratisée voient leur classe moyenne accumuler du patrimoine via l’épargne et l’investissement, réduisant l’écart avec les plus riches.

A lire également :  Rénovation urbaine : priorités pour les prochaines décennies

La création d’un écosystème entrepreneurial vertueux

Pour finir, l’éducation financière a ceci d’intéressant qu’elle catalyse en quelque sorte l’entrepreneuriat, en démystifiant la gestion d’entreprise.

Le taux de création d’entreprises (nombre de nouvelles entreprises pour 1000 habitants actifs) corrèle directement avec le niveau d’éducation financière nationale. Singapour et Israël, leaders en la matière, affichent des taux trois fois supérieurs à la moyenne OCDE !

Cet effet d’entraînement touche naturellement toute l’économie. Sans aller jusqu’à la “startup nation” défendue par certains, il suffit que les salariés comprennent mieux les enjeux de leur entreprise, négocient des packages de rémunération incluant de l’intéressement ou des stock-options (options d’achat d’actions), etc.

Cet alignement des intérêts booste la productivité nationale, mesurée par le PIB par heure travaillée.

FAQ

Comment mesure-t-on concrètement le niveau d’éducation financière d’une population ?

L’OCDE utilise un test standardisé évaluant la compréhension de l’inflation, des intérêts composés et de la diversification des risques, avec des scores variant de 1 à 21 points.

Quel est le retour de l’investissement public dans l’éducation financière ?

Les études longitudinales montrent qu’un euro investi dans l’éducation financière génère entre 5 et 10 euros de bénéfices économiques sur 20 ans via la réduction du surendettement et l’optimisation de l’épargne.

À partir de quel âge l’éducation financière devient-elle efficace ?

Les programmes démarrant dès 10-12 ans montrent les résultats les plus probants. Les concepts abstraits devenant assimilables à cet âge tout en laissant le temps de forger des habitudes saines avant l’entrée dans la vie active.

Laisser un commentaire